Vous avez peut-être vu les images effrayantes des émeutes à Marseille entre supporters, et notamment Russes et Anglais.

Si vous vous êtes intéressés à la question, vous aurez entendu que les hooligans russes, curieusement, étaient "très organisés". Vous aurez peut-être été surpris que leurs opérations commando ont été si bien effectuées qu'aucun d'entre eux n'a été interpellé.

Vous aurez peut-être aussi entendu les réactions ahurissantes provenant de la classe politique russe, qui a félicité les hooligans qui ont cassé de l'anglais.

Si vous êtes habitués à me lire ou simplement à garder en permanence à l'esprit que Poutine est un agent du KGB - inutile de dire "ex", car il l'est toujours, vous vous direz sans doute, sachant que les organisations de supporters russes sont subventionnées par Moscou, et que les associations de hooligans russes sont proches des milieux nationalistes de la poutinosphère, que de telles opérations commando ont tout de l'opération de déstabilisation fomentée par les services russes, sur ordre du Kremlin.

Mais alors, pourquoi ? Car si l'on réfléchit deux minutes, l'on voit mal, dans un pays en état d'urgence où des manifestation contre la Loi Travail et les blocages de la CGT sont là pour perturber le fonctionnement à grande échelle, ce que peut bien changer une bande de hooligans russes, si nombreuse soit-elle, qui fait le coup de poing sur le port de Marseille ?

La question m'a tourmenté ces derniers jours et j'ai trouvé la réponse, comme souvent, à force de lire la propagande russe de Sputnik, qui explique ce que le Kremlin veut que l'on pense de cette affaire.

La Pravda 2.0 a livré sur l'affaire des récits tels que celui-ci, qui incriminent totalement les Britanniques et transforment les hooligans russes en défenseurs de l'honneur de la patrie.Cela nous éclaire sur le but de la manipulation.

En effet, il faut se souvenir comment la propagande du Kremlin présente quotidiennement l'Europe au bon peuple russe : l'Europe hait la Russie, l'Europe est décadente, l'Europe est instable, insécure, remplie de migrants islamistes pilleurs et violeurs ; tout cela étant le résultat de la démocratie libérale.

Et voici l'Euro ! Et des milliers de Russes qui se rendent en France pour participer aux festivités. Quelle menace pour les mensonges d'Etat ! Ces gens risquent de rentrer ravis, après un mois, d'avoir partagé de bons moments avec les Européens, d'avoir fraternisé, d'avoir apprécié leur voyage et s'être fait une opinion très différente de la propagande qu'on leur sert à domicile. Et naturellement, ce message se serait diffusé, à leur retour, et ce sont des centaines de milliers, des millions de personnes qui auraient commencé à douter de la propagande et à écouter les voix dissidentes qui existent encore en Russie.

Alors le Kremlin a trouvé la solution : saboter dès le départ l'Euro des Russes, pour faire correspondre les événements à sa propagande.

Car quelles sont les conséquences de ce coup ? Les Russes ont une image déplorable, ils sont désormais regardés avec méfiance ; eux-mêmes - ceux qui n'étaient pas dans le coup et ne sont pas des hooligans - doivent se sentir en danger, puisque leurs médias racontent que les supporters russes ont été agressés. La police française, naturellement, est poussée à la vigilance devant les Russes, et ils le vivent mal ; d'autant que leurs autorités font tout pour faire monter la tension.

Par ailleurs, les supporters britanniques, échauffés par les terribles blessures d'un de leurs compatriotes dans les première échauffourées, sont devenus très hostiles aux Russes, dont ils salissent le drapeau, ce qui crée de nouveaux incidents. L'image que les supporters russes retiendront de l'Europe ne risque donc pas d'être celle de la fraternité sportive et de la douceur de vivre, de la sécurité et de la liberté. La manoeuvre a réussi : ils sont exclus de la fête - et peut-être finiront-ils par l'être de la compétition.

Bref, pour les supporters russes, l'Euro est foutu : ce ne sera que haine, tension, méfiance et bagarres, et c'est exactement ce que veut le Kremlin, qui réussit à transformer un danger pour sa propagande en opportunité de propagande : les images diffusées par les médias russes alimentent le ressentiment envers les Anglo-saxons - qui n'ont pas été visés au hasard, et préparent le jour où il faudra mobiliser la population pour la confrontation, juste à la veille des exercices de l'OTAN en Pologne.

 

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