Iran, Turquie, Russie : mon point de vue en bref sur la réunion
Il se tient aujourd'hui à Ankara une rencotnre au sommet remarquable entre Erdogan, Poutine et Rohani. Il est bien sûr impossible de dire de manière certaine ce qui se dira dans le secret des salons, mais ce sera probablement très important pour l'avenir de la région.
Dans la mesure où mon interprétation de ce qu'il se passe depuis le début de l'opération Rameau d'Olivier de la Turquie est qu'il s'agit d'une sorte de reproduction du pacte germano-soviétique, cette fois entre la Russie et la Turquie, et que cela implique donc que Poutine a décidé, parce qu'il y a intérêt, de partager le gâteau syrien avec Erdogan, je peux essayer de spéculer quelque peu.
Quoique "alliés", chacun de ces trois pays dans la région a un intérêt distinct et cette réunion pourrait bien être l'occasion de trouver un compromis global.
Concernant l'Iran, l'idée est de consolider le gain de ces dernières années : l'influence acquise sur l'Irak, la constitution de la continuité territoriale de l'arc chiite vers la Syrie et le Liban.
Concernant Erdogan, il veut réaliser ses ambitions irrédentistes vers l'ancien espace ottoman en Irak et en Syrie, en particulier en profitant du chaos local pour s'emparer du Rojava kurde, qu'il envisage possiblement de repeupler des Arabes syriens qu'il a en stock chez lui, des réfugiés qui permettraient de constituer dans le Rojava un Etat arabe fantoche, vassal turc.
Concernant Poutine, il veut garder sa base de Tartous et son allié syrien, sans devenir trop dépendant d'un Iran qui serait maître d'un arc chiite hégémonique régionalement, et de devenir un arbitre du Moyen-Orient, à l'égal voir à la place des Etats-Unis.
Poutine, après avoir aidé Assad dans une alliance serrée avec l'Iran, diversifie ses alliances et utilise la Turquie d'Erdogan et ses ambitions pour enfoncer un coin dans l'arc chiite et éviter qu'il devienne trop solide. En admettant une annexion de fait du Rojava par Erdogan, il fragilise l'arc chiite tout en faisant ressentir à Assad qu'il ne pourra pas se passer de la protection russe, et cherche à se poser durablement en arbitre des deux rivaux régionaux turc et iranien.
Les Iraniens sont-ils d'accord pour laisser s'installer la Turquie dans le Rojava, voire lorgner sur le Kurdistan irakien et Mossoul ? Sans doute pas, mais ils peuvent être prêts à admettre un compromis de zones d'influences, et à échanger cela contre une garantie turque de reconnaître l'hégémonie iranienne sur l'Irak chiite, le reste de la Syrie et le Liban. Ce d'autant plus que Turquie et Iran se retrouvent aujourd'hui dans une détestation commune d'Israël.