Cette fois, on a pas eu autant de chance.
On ne va pas faire comme si on ne s'y attendait pas, l'ayant envisagé il y a plusieurs mois déjà. C'était inéluctable.
Je ne vais donc pas reprendre ce qu'il s'est passé mais me borner à quelques commentaires au débotté.
François Hollande, dans sa nouvelle allocution de ce matin, est resté très vague. Il a parlé d'être "impitoyable", de déploiement des forces armées et de sécurité à leurs "capacités maximales". Il a parlé, aussi, d'une réunion du Congrès.
Dans l'immédiat, impossible de savoir ce qu'il va se passer exactement.Ce dont je suis sûr, c'est qu'il n'y aura pas de manifestations du genre "Je suis Charlie". Nous allons entrer dans la conséquence logique de "l'esprit du 11 janvier" après une deuxième attaque, dont j'avais déjà parlé ici. Autrement dit, la foule n'attendra plus seulement le rassemblement et les manifestations d'unité, elle va commencer à vouloir des représailles. Ce qui place sur les épaules du gouvernement la lourde responsabilité de répondre avec la fermeté idoine, et pas seulement des paroles, de manière possiblement choquante mais permettant d'éviter, à terme, des débordements populaires plus graves encore.
Je vois deux scénarii possibles :
- Soit le gouvernement réagit a minima : il déploie les forces de l'ordre, fait de beaux discours devant le Congrès, puis termine sur "pas d'amalgame", lève l'état d'urgence, jusqu'à la prochaine hécatombe. Aujourd'hui, je ne crois pas ce scénario plausible, quoique je puisse par ailleurs penser de Hollande et des membres du gouvernement ; derrière eux, il y a des services de lutte anti-terroriste, parmi les plus compétents du monde, qui leur font le point sur la situation. Et ils ne pourront pas s'illusionner sur le fait qu'il n'y aurait plus d'épisode de ce genre par la suite.
- Soit le gouvernement réagit vraiment, et dans ce cas j'entrevois les mesures suivantes : procéder à l'arrestation quasi-simultanée, sur tout le territoire, de tous les individus fichés "S" pour radicalisation, soit environ 5000 personnes. L'état d'urgence l'y autorise, et François Hollande semble l'avoir suggéré hier soir en parlant de perquisitions hors procédure. Cela pourrait aussi concerner une reprise en main rapide de toutes les zones de non-droit sur le territoire français, et des des saisies massives des armes qui traînent dans les caves des banlieues. Ces mesures ne règleraient certes pas les problèmes, mais seraient des mesures à titre conservatoire, qui permettraient d'une part de montrer au peuple que le problème est sérieusement traité, et d'autre part, surtout, de limiter drastiquement le risque de voir les attaques se multiplier, qu'elles soient planifiées ou l'oeuvres d'imitateurs. C'est le genre de chose qui pourrait être discutée au Congrès à l'occasion de sa réunion exceptionnelle : la suite des choses pourrait être discutée, car on ne peut bien sûr, dans un état de droit, se contenter d'enfermer durant des mois ou des années des personnes qui n'auront pas été jugées.
Je pense que cette deuxième option est plus plausible. Non que je croie que, soudain, nos dirigeants politiques soient devenus "courageux" ; je pense qu'il n'est pas question de courage mais d'opportunité politique. Il y a encore deux jours, prendre de telles mesures, même si elles auraient pu prévenir le massacre d'hier soir, aurait été politiquement indéfendables : tout le monde s'y serait opposé, pour des tas de raisons. C'est le type-même de mesures qui ne peuvent être, hélas, prises qu'a posteriori, une fois que le mal est fait. Mais une fois le mal fait, et alors qu'elles deviennent politiquement défendable, ne pas les prendre devient une position dangereuse, car à la première réitération terroriste, la population risque d'envisager sérieusement les ratonnades, les pogroms, qui eux ne visent pas des gens fichés, surveillés, identifiés, mais sont aveugles, et ne se limitent pas à un internement en vue de procédures, mais consistent souvent en des lynchages.
Donc, il faut espérer que les mesures idoines seront prises. Laurent Wauquiez a déjà appelé à de telles mesures. On peut penser que d'autres le suivront. Elles seraient cohérentes avec l'état d'urgence, dont sans cela on ne perçoit pas bien l'intérêt, et permettraient de soulager des services de renseignement débordés et incapables de suivre, dans la nature, tous ces individus dangereux. Dans une situation pacifiée, et avec une violence limitée au maximum, on pourrait alors espérer régler le problème de manière civilisée.