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Historionomie - Le Blog de Philippe Fabry
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22 septembre 2015

Poutine et la guerre sur deux fronts : après l'Ukraine, la Syrie

Je ne suis pas le seul commentateur de l'actualité, loin de là, à avoir fait le parallèle entre la Russie poutinienne et l'Allemagne hitlérienne ; je pense l'avoir fait de manière relativement factuelle et nuancée, que ce soit sur le temps long dans lequel il convient d'inscrire une comparaison pour qu'elle signifie quelque chose, ou à propos de la personnalité et des méthodes du dirigeant en place.

Je ne crois pas, en revanche, avoir déjà détaillé, même si j'ai pu le suggérer, combien l'on retrouve aujourd'hui dans le couple poutinisme-djihadisme l'équivalent de ce qu'était, dans le monde d'il y a 80 ans, le couple fascisme-blochévisme.

Il s'agit en effet, comme pour son aîné, d'un couple d'idéologies antiaméricaines, antilibérales, anticapitalistes, et tentant de proposer une vision du monde alternative à la façon dont il est en train de se construire. Mais par ailleurs, les deux visions s'opposent radicalement dans le projet qu'elles portent.

Le poutinisme, comme son aîné le fascisme, est nationaliste, se réclame à la fois d'un nouvel ordre social et d'un retour à des valeurs traditionnelles, à des structures de pouvoir hiérarchisées et donnant une sorte de colonne vertébrale à la société.

Le djihadisme, à l'image de son aîné bolchévique, est internationaliste - et cela même si la doctrine de l'Etat islamique peut se résumer comme "l'islamisme dans un seul pays" - et veut imposer un nouvel ordre social radicalement nouveau en considérant la doctrine islamique comme révolutionnaire.

Entre eux et comme leurs aînés, ces deux mouvement contestataires de l'ordre mondial capitaliste, libre-échangiste et sous égide américaine, se haïssent profondément : la montée du poutinisme en Europe est continuellement alimentée par la crainte et la haine de l'islam - il n'est que de lire ce qu'il se dit sur les réseaux sociaux, sur lesquels Poutine est présenté en rempart de la civilisation occidentale chrétienne contre l'islam, et de voir combien ses thuriféraires tombent en pamoîson dès qu'il est question qu'il lâche une bombe sur un barbu, alors que les mêmes hurlaient à l'impérialisme quand l'Amérique en faisait autant. Combien de fois, aussi, lit-on que, certes, Poutine n'est pas l'idéal, mais que nous avons besoin de lui dans la lutte contre le djihadisme mondial - reproduisant ce faisant l'argumentaire, assez peu inspiré, qui voulait qu'Herr Hitler, au moins, ferait un excellent rempart contre le bolchévisme et les hordes asiatiques.

De son côté, le djihadisme déteste le poutinisme, mais d'une façon différente : pour le djihadisme, au fond, il n'y a guère de différence entre Russie et Amérique : ce sont tous des "croisés", de la même façon que pour les bolchéviques démocraties capitalistes et régimes fascistes n'étaient jamais que diverses expression de l'ordre bourgeois qu'il fallait détruire.

Ceci étant posé, et le schéma m'apparaissant comme suffisamment pertinent, j'en viens à mon propos le plus immédiat : comment cette reproduction d'un schéma de luttes idéologiques s'articule-t-elle avec le fait que, par ailleurs, la Russie de Poutine reproduit un schéma géopolitique de longue durée voisin de celui connu jadis par l'Allemagne ?

L'on notera que, comme jadis Hitler, Poutine a commencé par s'attaquer non pas à son antagoniste djihadiste, mais par s'en prendre à son voisinage et à l'Occident démocratique. Certes, ses moyens d'action ne sont pas ceux d'Hitler, et naturellement les actions elles-mêmes et leur résultat en est affecté. Mais la mécanique, elle, reste identifiable : après avoir repris la maîtrise de l'espace considéré comme national, en matant la Tchétchénie (ce qui n'est nullement à considérer comme un combat contre le djihadisme en général mais comme la reprise en main d'une province particulière) et en envahissant la Géorgie, Poutine a contesté l'ordre européen en s'emparant de la Crimée et en se lançant dans une "guerre hybride" en Ukraine où, d'après le rapport de Boris Nemtsov, 200 soldats russes seraient morts.

Depuis quelques mois, la situation s'est un peu stabilisée et Poutine, tout en continuant d'armer les séparatistes ukrainiens (soit en prévision de prochains mouvements offensifs, soit par précaution) vient d'envoyer en Syrie une force importante ; selon le dernier décompte que j'ai trouvé 28 avions de chasse et d'attaque au sol, 20 hélicoptères et 9 chars : le faible nombre de tanks n'est peut-être dû qu'à une insuffisante capacité de transport (il en aurait été différemment s'il avait disposé de ses Mistrals) mais j'incline plutôt à penser qu'il relève d'une volonté de seulement poster des défenses terrestres pour protéger la base aérienne, la force aérienne étant la véritable force de frappe dépêchée pour éviter qu'Assad ne tombe et protéger, surtout, le port stratégique de Tartous.

Mais, ce faisant, Poutine s'apprête à frotter la Russie directement à l'Etat islamique et Al-Qaïda en Syrie, ce qu'il avait évité de faire jusqu'ici ; ce faisant il met le doigt directement dans un conflit dont même les Américains ont essayé de rester éloignés.

Et, naturellement, l'on est tentés de se poser la question : Poutine n'est-il pas en train de reproduire l'erreur hitlérienne de la guerre sur deux fronts, de se lancer dans un nouveau conflit après n'avoir obtenu qu'un résultat mitigé et instable dans le précédent ? Comme son aîné allemand, Poutine se tourne contre son idéologie-miroir, et d'ores et déjà une myriade de petits admirateurs s'exclament sur les réseaux sociaux que désormais, les djihadistes vont "bien voir ce qu'ils vont voir" car Poutine, contrairement à Obama et François Hollande, "en a".

Projections fantasmagoriques puisque ce n'est pas avec la force actuellement déployée, ou même une force triplée, que Poutine pourrait vaincre l'Etat islamique. Les troupes envoyées sont une garnison pour défendre la citadelle du régime syrien qu'est la côte syrienne, pas une armée d'invasion de la Syrie.

Mais en tout hypothèse, même avec des objectifs très limités, on voit mal comment l'interventionnisme poutinien pourrait mieux fonctionner que les autres.

Actuellement - et il suffit de regarder une carte pour s'en apercevoir - la plus grande menace pour la survie du régime de Bachar Al Assad basé à Lattaquié, où se sont installées semble-t-il les troupes russes, ce n'est pas l'Etat islamique, mais le Front Al Nosra et l'Armée Syrienne Libre.

Source: Externe

Or, si les avions de Poutine bombardent ces deux protagonistes et les affaiblissent, il est fort probable que l'Etat islamique s'engouffrera dans la brèche comme il l'a déjà fait ailleurs, phagocytera le Front Al Nosra dont il récupèrera les restes et se retrouvera aux portes de Lattaquié. Et si Poutine y masse alors plus de troupes pour protéger ce qu'il y a déjà installé, cela pourrait bien ressembler à un petit Stalingrad syrien - les Américains, qui ont déjà perdu 5000 hommes en essayant de pacifier l'Irak, ne sont pas réticents à s'engager à nouveau dans le coin sans raison.

Tout ceci risque donc de coûter très cher à Poutine, au moins financièrement, et mobiliser des forces qu'il ne pourra plus employer en Ukraine où, en attendant, les Occidentaux pourront trouver un répit afin de stabiliser le nouveau régime de Kiev, lutter contre la corruption résultant de plusieurs années de manoeuvres poutiniennes et faire de l'Ouest ukrainien une vitrine occidentale aux portes de la Russie. C'est à croire que, tout en s'offusquant de ce que l'intervention de Poutine en Syrie risque de compliquer la situation, les Américains doivent rire sous cape en imaginant le traquenard dans lequel l'Ours s'est précipité.

Cependant, les jeux ne sont pas faits, et cela ne signifie nullement qu'on sera facilement débarassés de Poutine, car au plan de la communication, le Kremlin a trouvé comment jouer encore sur son image de rempart anti-islamiste et de séduire bon nombre d'Européens échaudés par la crise des migrants ; et avant que les difficultés ne se manifestent sur ce nouveau front syrien, la déstabilisation de l'Europe pourrait commencer à porter les fruits qu'en attend Poutine.

Plusieurs compte à rebours s'égrènent simultanément.

En tous les cas, je reste convaincu que, pour les Américains, la stratégie demeure "Poutine first".

Note : j'ai publié un complément correctif à ce billet ici.

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Commentaires
G
Oui mais à la différence de la légion hitlérienne en Espagne, les Russes vont s'en prendre plein la tronche car ils vont être encerclés entre les menées de la Turquie, celles des groupes rebelles et de celles des services secrets de pays de la région et de la coalition US qui ne lui fera pas de cadeau. Pari risqué pour le nouveau Führer. :)
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U
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai vraiment un problème avec le coté chrétien de Poutine. Poutine fait bruler les cadavres de ses propres hommes tombés dans la guerre en Ukraine pour cacher les morts. Cela pour cacher au reste du monde qu'il est en guerre avec des gens qu'il appelle pourtant ses "frères" en publique.<br /> <br /> <br /> <br /> Quel chrétien ferait ça ?<br /> <br /> <br /> <br /> Si l'avenir du conservatisme chrétien est quelque-part, ce n'est pas en Russie mais en Amérique.
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A
un autre article...http://www.globalresearch.ca/russias-false-hopes-russia-china-and-iran-are-the-three-countries-which-can-constrain-washingtons-unilateral-action/5477952
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A
ahahahahah. vous etes un rigolo vous... j'ai bien rigolé...un peu paranoiaque aussi non ? vous vous discrédibilisez avec vos hypothèses á deux balles. c est triste...Payé par les russes ? j'avoue que ce serait bien pour mon compte bancaire mais malheureusement ma loyauté va a mon pays les USA ( pas le gouvernment americain biensur).. A votre place , je me cacherai car si vous saviez qui je suis, toutes vos "hypotheses" tomberaient á l'eau et vous seriez rouge de honte.. A moins que vous ne sachiez pas ce que la honte est.. ce ne serai pas surprenant ! votre commentaire ci-dessus est au niveau des paquerettes et encore je suis sympa avec vous...<br /> <br /> <br /> <br /> Quant a la critique de mon orthographe qui est due a l'utilisation trop rapide d'un clavier anglais et ma tendance á appuyer sur le bouton "publier" sans me relire, elle n'est pas á votre honor... Typique des gens sans argumentations....<br /> <br /> <br /> <br /> Le monde ne va pas bien a cause d'idiots inutile comme vous.. Vous ne me connaissez pas d 'un poil et vous vous auto persuadez que je suis un troll russe.. Putain, les americains doivent etre envahis de trolls russes payés par le kgb etant donné le nombre d'entre eux qui sont en accord avec ma position et en desarccord avec Mr. Fabry.. <br /> <br /> <br /> <br /> allez un ptit article en anglais pour vous instruire : http://www.hangthebankers.com/world-war-3-why-russia-and-syria-are-being-targeted/<br /> <br /> <br /> <br /> Regardez la video....ca vous aidera...<br /> <br /> <br /> <br /> et aussi arretez de lire les blog de néoconservateurs... lisez ce que les libertariens (libertarians en anglais ) disent á propos de ce que le gouvernement americain a fait et fait.
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A
je suis citoyen american , francais et algerien...pas russe et pas russophobe. Faudrait ouvrir les yeux et arreter de lire qu un coté d lhistoire meme si elle vient d'un "historien" .. peut etre que si vous lisez l'anglais, il serait tempsde lire certaind articles en anglais qui par dizaines contredsent la retherorique de votre chanmpion... Malheureusement la verité est tout autre chose. Le gouvernement americain est responsable avec ses alliés de se qui se passe en Ukraine et en Syrie pour aller en guerre contre la Russie et la chine qui veulent laisser tomber le dollars et emmener bcp de monde avec eux. mais je vous laise a vos dous reves. pensez a prendre la pillule rouge...
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  • Blog de Philippe Fabry, historien-théoricien. Ce blog reprend notamment ses travaux relatifs aux "lois de l'Histoire" et leur emploi pour mieux analyser le monde actuel. Tous les articles sont librement reproductibles, avec la mention www.historionomie.com
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