Lecture : "Comme je parle" d'Aldo Sterone
Je viens de terminer le livre d’Aldo Sterone, Comme je parle, et ce livre m’a donné envie, une fois n’est pas coutume, de faire une brève recension, parce que je pense qu’il mérite d’être lu.
Je l’ai commandé sur Amazon aussitôt que l’ami Aldo a fait l’annonce de sa sortie sur Facebook. Ecoutant régulièrement ses vidéos sur Youtube, j’apprécie sa façon de penser, même si je ne suis pas toujours d’accord avec ses conclusions.
Dans ce livre, il retrace son parcours dans l’Algérie des années 1980 et 1990, qui ont vu son enfance et son adolescence, et son long combat pour fuir un pays en pleine déliquescence, en proie à des maux qui, bien souvent, ont été importés chez nous.
Ce livre, dit-il, a commencé comme un email écrit à l’adresse d’un interlocuteur curieux de son parcours. On y retrouve le style du youtubeur, qui ne souffre pas du changement de format ; au contraire, mais peut-être est-ce parce que je suis plus un homme de livre que de vidéo, je l’y ai trouvé très bon.
Certes, il faudra au lecteur faire fi de petits défauts : il y a de nombreuses coquilles, fautes d’orthographes (ex : pour la prison : tôle au lieu de taule), la concordance des temps laisse fréquemment à désirer, et il manque des mots dans certaines phrase (ou ils sont en double). Tout cela est le résultat d’une insuffisante relecture de l’ouvrage, mais est finalement cohérent avec l’esprit « comme un email » qui l’anime : un récit à brûle-pourpoint, qui a probablement été rédigé du premier jet ou presque, et trop rapidement relu. Cela n’enlève rien au fait que le style est très bon.
Le seul passage où je n’ai pas été d’accord avec l’analyse d’Aldo Sterone est lorsqu’il dit, page 155 « l’islamisme est un ultralibéralisme extrême » parce que le Front Islamique du Salut était s’était violemment opposé à la grève ouvrière, appelant les ouvriers à rester à leurs postes et à travailler gratuitement si nécessaire. Il fait ainsi la confusion commune qui est, en plaçant le libéralisme à droite, le socialisme à gauche et le communisme à l’extrême gauche, postule que les positions d’extrême-droite sur la collaboration de classes par opposition à la lutte des classes est « ultra-libérale ». Or le thème de la collaboration de classes n’est pas du libéralisme, ni même du libéralisme poussé à l’extrême : c’est du fascisme. Et le fait-même d’associer le libéralisme à la droite est une erreur, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer.
Reste que l’ami Aldo est un type intelligent, qui décrit par ailleurs, de manière très vivante, ce qu’est une société gangrenée par le corporatisme et le copinage. Je ne doute pas qu’il saisira l’absurdité de ce concept d’ultralibéralisme. On est tous passés par là.
Ces légers défauts passés, je dois dire que le livre est passionnant et m’a irrésistiblement fait penser à Histoire d’un Allemand, de Sebastian Haffner, qui dans le même style autobiographique donnait à découvrir, de l’intérieur, les trois décennies précédent l’arrivée du nazisme en Allemagne et permettant, sinon de comprendre ce phénomène dépassant toujours quelque peu l’entendement, du moins de mieux l’appréhender intuitivement. Quand on sait en quelle estime je tiens ce livre d’Haffner, ce n’est pas un mince compliment. Par ailleurs, régulièrement, Aldo nous régale de ces petites digressions dont il a le secret, et qui font aussi le sel de ses vidéos.
Je recommande donc chaudement la lecture du livre d’Aldo Sterone, qui donne à voir la soudaine montée de l’islamisme dans un pays comme l’Algérie, qui fut durement touchée par le fléau durant la décennie noire des années 1990, et dont l’auteur dresse un tableau qui rappelle les images actuelles de l’Etat islamique.
A ce sujet, je terminerai sur un exemple à ajouter à la liste des parallèles que l’on peut dresser entre l’islam moderne et le judaïsme antique, que je dressais ici même il y a quelques jours : page 148, Aldo Sterone écrit : « Le problème avec la société arabo-musulmane est [qu’elle est] totalement hermétique au changement. Les esprits créatifs sont dénigrés, agressés, exilés ou tués. »
Cette phrase m’a aussitôt fait penser à un paragraphe de Flavius Josèphe (Contre Appion, II, XX) « C'est l'origine du grief qu'on nous fait aussi, de n'avoir point produit d'inventeurs dans les arts ni dans la pensée. En effet, les autres peuples trouvent honorable de n'être fidèles à aucune des coutumes de leurs pères; ils décernent à ceux qui les transgressent avec le plus d'audace un certificat de profonde sagesse. Nous, au contraire, nous pensons que la seule sagesse et la seule vertu est de ne commettre absolument aucune action, de n'avoir aucune pensée contraire aux lois instituées à l'origine ».
Le livre d’Aldo Sterone est disponible sur Amazon en format papier ou en format kindle.