Ouf ! Le FN n'a remporté aucune région. C'est le sentiment qui anime vraisemblablement les commentateurs, alors que chacun se félicite de la progression de la participation, du sursaut républicain, etc.

Bon.

En ce qui me concerne, je ne vois pas trop de raisons de me réjouir, parce que rien ne me séduit et je trouve la différence ténue entre une Marine Le Pen et un Xavier Bertrand ayant appelé à la fusion du ministère de l'Intérieur et celui de la Justice dans un Ministère de l'Autorité, par exemple.

Mais ce dont je voudrais parler ici, c'est de l'illusion électorale qu'a produit ce soir le "Front Républicain" : celui d'un faux rapport de force électoral à l'échelle nationale, qui pourra induire des mésinterprétations importantes lorsqu'il s'agira d'appréhender 2017. On va nous parler de "succès de la droite" et de "gauche qui a résisté", comme si tout rentrait dans l'ordre.

Ce n'est pas ce que je vois.

Ce que je vois, c'est que la droite a remporté des régions contre le FN lorsque le PS s'est désisté : dans le Nord, en PACA.

La droite a aussi remporté une région (Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine) là où le PS a appelé au désistement, même si son candidat local s'est maintenu (pour mémoire 1er tour FN 36%  LR 25% PS 16% ; 2e tour FN 36% LR 48% PS 15%).

Le PS, quant à lui, n'a remporté aucun duel face au FN. Car la droite ne s'est pas désistée.

On a donc eu, pour les régions prises par le PS après qu'un candidat FN est arrivé en tête au premier tour :

- Bourgogne-Franche-Comté (1er tour FN 31,5% LR 24% PS 23% ; 2e tour FN 32,5% LR 33% PS 35%) (LR dernier au premier tour)

- Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon (1er tour FN 32%  LR 19% PS 24,5% ; 2e tour FN 35% LR 22% PS 43%) (LR dernier au premier tour)

- Centre Val-de-Loire (1er tour FN 30%  LR 26% PS 24% ; 2e tour FN 30% LR 34% PS 35%) (PS dernier au premier tour)

Ainsi donc, le non-désistement de la droite nous a privés d'une expérience intéressante : la question qui fâche du report des voix de la droite vers le candidat "républicain" restant, donc PS. En vérité, le PS peut remercier chaleureusement Nicolas Sarkozy, sans lequel rien n'aurait été possible, d'avoir refusé les désistements. Car si, en Bourgogne et Midi-Pyrénées, les Républicains arrivés troisièmes s'étaient désistés, il est probable que les régions n'auraient pas vu une victoire socialiste, mais FN (Idem dans le Centre, mais là le candidat LR, arrivé deuxième, n'avait pas de raison de se désister).

 

Or, dans la prochaine élection, la présidentielle de 2017, il serait peut-être bon de se rappeler qu'il n'y a pas de triangulaire possible. Dans l'hypothèse d'un duel Marine Le Pen - Candidat socialiste au deuxième tour, il est probable que Marine Le Pen l'emporterait.

En revanche, si Marine Le Pen arrive au deuxième tour face à un candidat de droite, il est vraisemblable qu'elle sera battue. Comme son père en 2002, parce que les électeurs de gauche, entre ce qu'ils perçoivent comme le mal et le pire, voteront pour le mal.

Mais dans l'hypothèse d'un duel Socialiste/Marine Le Pen, c'est un autre choix qui se pose aux électeurs de droite : le camp adverse ou le camp extrême ? Et, évidemment, le report de voix qu'implique un tel choix est loin d'avoir l'automatisme et le caractère systématique de celui d'un électeur de gauche face à un duel droite/extrême-droite.

Bien sûr, plus le candidat de droite sera à droite, moins il récoltera de reports venant de gauche ; un Sarkozy ne ferait pas, face à Marine Le Pen, le même score qu'un Juppé.

Au moment de conclure la rédaction de ce billet, j'apprends la livraison d'un sondage qui semble me donner tort : s'il confirme qu'au deuxième tour Sarkozy ferait moins bien que Juppé contre Marine Le Pen, il dit également que François Hollande l'emporterait sur la candidate Front National avec 60% des voix.

L'idée que Marine Le Pen ne puisse être élue me séduit, même si l'idée que François Hollande serait réélu me désole. Je laisse les lecteurs réfléchir sur ces différents éléments.