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Historionomie - Le Blog de Philippe Fabry
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9 décembre 2015

Le Grand Moyen Orient selon Vladimir Poutine

Je me suis beaucoup intéressé, ces jours-ci, à la situation générale autour de la Turquie. J'ai déjà eu l'occasion d'exposer un peu quels dangers encourt, selon moi, la Turquie. Je voudrais aujourd'hui traiter du même problème en élargissant un peu la perspective afin de considérer les ambitions de Vladimir Poutine au Moyen Orient.

L'on dit beaucoup, en ce moment, que Poutine cherche à "reprendre pied" au Moyen Orient. Mais reprendre simplement pied n'est pas le genre de chose que fait Vladimir Poutine gratuitement. Et je pense que, comme pour le reste, il a un plan. Un grand plan. Un plan terrible.

Il passe d'abord par une déstabilisation de la Turquie. Cela, je l'ai déjà évoqué. Sur ce point, cependant, j'ajouterai que l'arme du gaz implique d'autres manoeuvres que simplement fermer le robinet : pour que la menace donne à plein, il faut aussi supprimer les alternatives énergétiques. L'une de ces alternatives est l'Azerbaïdjan, allié de la Turquie, les deux pays étant reliés par un oléoduc. Un signal a peut-être été envoyé à ce sujet par la Russie, avec l'incendie de cette plateforme pétrolière azéri il y a quelques jours. Certes, il n'y a pas de preuve que ce ne soit pas un accident, de telles choses arrivent. Cependant, ces derniers jours, les forces azéris ont déjoué plusieurs tentatives de sabotage sur leurs installations. Sachant que, par le passé, la Russie avait déjà été accusée de sabotage contre l'oléoduc BTC.

Btc_pipeline_route

Par ailleurs, l'Azerbaïdjan est en conflit plus ou moins larvé, depuis des années, avec l'Arménie voisine, alliée de la Russie avec laquelle elle a conclu récemment un nouvel accord de défense. Ce 8 décembre, l'Azerbaïdjan a détruit des cibles militaires arméniennes près de Bakou. Depuis début novembre, les violences ont repris, notamment du côté arménien. Le 10 novembre dernier, la veille de la conclusion de l'accord de défense avec la Russie, l'Arménie a fait feu sur des civils azéris.

Or, outre le mouvement ordonné, déjà évoqué dans les précédents articles, de l'armée russe du Caucase Nord vers l'Arménie, nous apprenons que Poutine renforce sa base arménienne d'Erevan en y envoyant des hélicoptères. De nombreuses choses risquent de se jouer, dans les semaines  à venir, dans le Caucase du Sud.

A la question : "mais où va passer l'armée russe pour rejoindre l'Arménie", la réponse "par l'Azerbaïdjan" semble de plus en plus crédible. Que ce soit pour une authentique invasion ou un accord de libre passage obtenu par intimidation. L'invasion à proprement parler n'est pas à exclure, et cela pourrait se faire, d'ailleurs, sous le couvert d'une aide à un allié "agressé", l'Arménie. Ce faisant, Poutine fermerait le robinet pétrolier de Bakou, et porterait un coups stratégique à la Turquie en humiliant un de ses alliés. Le scénario est d'autant plus crédible qu'il serait proche de l'invasion de la Géorgie de 2008, et que l'on sait combien Poutine s'estime chez lui dans les pays de l'ex-URSS. L'Azerbaïdjan pourrait aussi subir le sort de la Pologne en 1939 et passer sous contrôle à la fois russe et iranien. Dans tous les cas, le contrôle de Bakou donnerait à la Russie un nouveau levier de puissance non seulement contre la Turquie, mais aussi contre l'Europe, déjà très exposée à l'arme énergétique de Poutine.

Ce sera vraisemblablement là le premier mouvement de la Russie. C'est dans cette direction que pointent les indices d'agitation depuis quelques semaines, et dans la perspective d'une mise sous pression de la Turquie, cela complèterait "admirablement" une déstabilisation de l'est du pays par une forme de soutien aux terroristes du PKK - lesquels, selon les autorités turques, sont fortement impliqués dans le trafic de pétrole de l'Etat islamique.

De son côté, l'Irak, devenu fidèle vassal de Téhéran, accuse la Turquie dans son ensemble d'être le principal débouché pour le pétrole de l'Etat islamique. Et une pression combinée russo-iranienne à l'Est n'est pas à exclure, même si une invasion n'est sans doute pas pour tout de suite.

Cependant, si dans quelques mois la Turquie subit une forte déstabilisation interne résultant des difficultés économiques consécutives aux sanctions russes, s'ajoutant à des difficultés économiques mondiales, s'ajoutant à des difficultés politiques internes très récemment et péniblement surmontées par Erdogan, et auxquelles viendrait encore s'additionner un regain de tension dans l'Est turc, avec un PKK revigoré par l'aide russo-iranienne, des opérations de plus grande ampleur ne seraient pas à exclure. Le résultat de cette politique au Moyen Orient, in fine, serait de largement accroître la puissance iranienne en permettant au croissant chiite de se constituer effectivement.  L'Iran comme la Russie sortiraient stratégiquement très renforcés de ces manoeuvres.

 

Projetons-nous plus loin avec quelques conjectures. J'ai déjà expliqué, à maintes reprises, combien les choses tendaient vers une invasion russe de l'Europe de l'Est vers 2018.

Il est fort probable qu'à ce moment-là, si ce n'est fait d'ici là, la Russie poutinienne profiterait de son vaste mouvement pour, tout à la fois, achever la Turquie et porter un coup décisif à ce verrou sud de l'OTAN, sécuriser l'accès aux mers chaudes et réaliser un vieux rêve russe-orthodoxe en envahissant le Bosphore et en prenant Istanbul - c'est-à-dire en reprenant Constantinople. Ce serait là un coup de pub formidable qui ferait sans doute frémir les souverainistes chrétiens à travers l'Europe, et diviserait encore les opinions sur la réaction à adopter contre l'agression russe. Dans ce projet et dans ces circonstance stratégique dégradées pour l'OTAN, Poutine pourrait même parvenir à débaucher la Grèce, qui dispose de forces militaires importantes, et avec laquelle il entretient déjà de bons rapports. L'entreprise, pour des Grecs partageant la foi orthodoxe de la Russie et l'héritage byzantin, serait psychologiquement séduisante, en plus de permettre une revanche contre la Turquie honnie. Ce faisant, Poutine s'assurerait la domination du Sud-est de l'Europe, juste avant (ou au moment) d'envahir l'Europe de l'Est, vers les portes de l'Allemagne. Cela permettrait, en outre, de réactiver le Turkstream, gelé depuis le 26 novembre après que la Turquie ait abattu le bombardier russe.

Voici donc, selon moi, où semblent nous mener les grandes manoeuvres de Vladimir Poutine dans cette région du monde, en prenant en compte le schéma historique dans lequel s'inscrit la Russie poutinienne.

Et toujours, si vous voulez en savoir plus sur ces schémas historiques, c'est ici.

 

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Commentaires
P
Je pense que ce plan est terrible parce qu'il va permettre de faire durer la guerre en Europe et de nous imposer des souffrance comparables, si ce n'est plus grandes, à celles d'il y a 80 ans. <br /> <br /> Il faut évidemment se débarrasser des Saouds, comme il fallait en finir avec l'apartheid en Afrique du Sud, et les dictatures militaires par-ci par-là à la fin de la guerre froide. Mais cela n'est pas possible tant que Poutine existe, parce que Poutine est un bien plus grand danger que les Saouds. L'existence-même de Poutine oblige les USA à garder les Saouds dans leur manche, car ils savent que cela a été une arme utile contre l'URSS. L'Amérique ne lâchera les Saouds que le jour où la Russie ne sera plus du tout un danger.
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E
Merci pour cet excellent article.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai cependant une question. Pourquoi pensez vous que le plan de Poutine est 'terrible'? Le plan saoudo-americain pour cette region n'a-t-il pas ete apocalyptique pour les habitants de la region depuis plus de 30 ans? Le plan de Poutine risque-t-il d'etre pire ou est-il une solution?<br /> <br /> <br /> <br /> Je pense personnellement que ce n'est pas un plan terrible, mais un plan necessaire pour se debarrasser une fois pour toutes du clan des Saouds, de l'arabAisation de l'Afrique du Nord (en finir avec son traumatisme identitaire et en finir avec un syndrome de Stockholme), et a l'internationalisation du Bosphore.
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D
" Pour la Turquie, je n'ai parlé que du Bosphore. "<br /> <br /> <br /> <br /> Et d'Istanbul. C'est un peu comme de vouloir occuper militairement Paris et pas le reste de la France. Scénario qui me semble assez irréaliste. <br /> <br /> <br /> <br /> D.J
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T
@ rouslan. Je trouve bien dommage que dans votre commentaire se glissent des mots comme "stupidité sans borne, débile, conjectures de merde", etc... Cela nuit gravement à vos arguments et rend l'ensemble de votre prose répulsif. Bref, dans votre intérêt et celui de vos idées, restons courtois !
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R
En outre, et juste pour rappel, la Russie n'a eu aucune action en Tunisie, Libye, Égypte, en Irak, en Iran, n'a pas fait la première guerre du golfe, n'a pas libéré le Koweït de Saddam Hussein, n'a rien fait en Afghanistan depuis 30 ans, ne bombarde pas le Pakistan...<br /> <br /> <br /> <br /> Les pays sur terre qui ont un agenda très précis au moyen orient, les seul, sont les USA et Israël.<br /> <br /> <br /> <br /> 70 ans qu'Israël fait la guerre en permanence dans la région, 30 ans que les USA mettent la région à feu et à sang. 20 millions de réfugiés dans le monde arabe, probablement cinq à huit millions de morts. C'est le bilan des délires des USA dans la région sur les 25 dernières années.<br /> <br /> <br /> <br /> Accuser la Russie de plans, alors que la Russie vient principalemnet pour essayer de stabiliser cette partie là du monde contre la folie américaine est d'une connerie sans bornes.
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  • Blog de Philippe Fabry, historien-théoricien. Ce blog reprend notamment ses travaux relatifs aux "lois de l'Histoire" et leur emploi pour mieux analyser le monde actuel. Tous les articles sont librement reproductibles, avec la mention www.historionomie.com
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