Amis lecteurs, pour varier les plaisirs, je me lance dans la vidéo avec le premier épisode d'une série intitulée La Mécanique de l'Histoire, et destinée à enrichir les contenus de ce blog.

Je publierai chaque nouvelle vidéo sur youtube et la relaierai sur ce blog.

Je fournirai le texte en-dessous de la vidéo, pour ceux qui préfèrent lire.

La Mécanique de l'Histoire 1 : Le Printemps Arabe.

Aujourd’hui, nous allons parler de la crise du monde arabo-musulman qui a débuté avec le Printemps arabe. S’agissait-il d’un complot occidental ? Ses revers et le chaos qui ont suivi par endroits doivent-ils nous faire désespérer des pays arabes et des populations musulmanes ?

Beaucoup de nos contemporains ont des difficultés à percevoir l’évolution du monde au-delà de leur propre existence. Ayant toujours connu l’Europe démocratique et un monde arabo-musulman sous-développé et despotique, l’intuition générale a tendance à percevoir les choses comme immuables, et les pays démocratiques destinés à le rester, et les pays non-démocratiques destinés, sauf exception, à demeurer despotiques.

Il faut donc apprendre à se replacer dans une vraie perspective historique, afin de comprendre ce qu’il se passe réellement.

Pour bien comprendre ce qu’il se passe actuellement, et depuis 2011, dans le monde arabo-musulman, commençons par un retour en arrière dans le temps et un bref voyage dans l’espace pour revenir chez nous, en Europe, en 1848, année des révolutions en cascade en France, en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, en Pologne, en Roumanie, en Italie, au cours d’un mouvement que l’on a appelé le « Printemps des Peuples ».

Il faut bien se replacer dans le contexte social, économique et politique de l’époque : les pays d’Europe n’ont alors jamais vraiment connu la démocratie, leurs populations sont très homogènes ethniquement et culturellement : l’écrasante majorité de la population est chrétienne, catholique ou protestante, et demeure rurale à 60 ou 70%. Cette population est moins alphabétisée qu’aujourd’hui, entre 60 et 80%.

L’Europe du milieu du XIXe siècle, structurellement, était donc très proche du monde arabo-musulman tel que nous l’observons aujourd’hui.

Soixante ans après le début de la Révolution française, c’est de France que part le mouvement avec le renversement de la monarchie de Louis-Philippe, qui refusait l’extension du droit de vote. Puis la contagion gagne les pays voisins, et durant l’année tous les grands pays d’Europe s’embrasent - sauf l’Espagne, alors très attardée (seuls 25% de la population était alphabétisée alors, un taux très inférieur à la moyenne).

Globalement, ces révolutions furent des échecs.

En Allemagne, la réaction conservatrice s’imposa et des régions sombrèrent dans la guerre civile.

En Autriche, les Hongrois furent réprimés, et ne devraient obtenir leur indépendance qu’en 1918.

En France, le suffrage universel porta Louis-Napoléon Bonaparte au pouvoir, et la révolution réussie accoucha d’une dictature autoritaire, régime plus dur que la monarchie de Juillet renversée par les révolutionnaires. La République espérée ne devrait apparaître qu’à partir de 1870.

Je pense que le parallèle doit être clair pour tout le monde.

Le Printemps arabe a touché des populations arabo-musulmanes qui sont, du point de vue du développement économique, social et politique, contemporains des Européens du XIXe siècle : elles aussi sont ethniquement et culturellement très homogènes ; leur niveau d’alphabétisation est celui de nos ancêtres.

Cette similarité des deux « printemps », l’européen et l’arabe, à un siècle et demi de distance, permet de porter certaines conclusions.

Premièrement, il est absurde de penser que le printemps arabe serait un « complot » de la CIA ou de quelque autre officine occidentale. La CIA n’existait pas en 1848. Voir dans le printemps arabe un « complot » étranger relève de la paranoïa, et d’une vision bien fausse de la manière dont se fait l’histoire.

Le printemps arabe, comme le printemps des peuples, est un phénomène spontané qui a touché simultanément plusieurs pays appartenant à une même civilisation, témoignant d’un certain stade d’évolution politique et sociale.

Deuxièmement, il faut ne faut pas désespérer du monde arabo-musulman et croire que l’échec global du printemps arabe soit le signe de son incapacité à évoluer vers la démocratie et l’Etat de droit, et affirmer que les arabes ne sauraient être, culturellement, gouvernés que par des despotes. L’échec du Printemps des peuples n’a pas signé la fin de l’évolution de l’Europe vers les sociétés modernes, bien au contraire.

Je devine que certains diront : « oui, mais l’islam est un problème que n’avaient pas les européens ! Il y a des fanatiques qui massacrent tout le monde ».

Eh bien si, justement. Durant les décennies qui ont suivi, se sont développés les mouvements anarchistes et socialistes qui ont commis des actes terroristes et perpétré des épisodes sanglants : songeons à la Commune de Paris ou aux méfaits de la Bande à Bonnot... et plus tard le développement du bolchévisme et de sa réaction, le fascisme.  L’Europe n’est devenue uniformément démocratique et libérale qu’à partir de la fin de la Seconde guerre mondiale... et pour l’Europe de l’Est seulement après la disparition de l’URSS !

Ainsi donc, il ne faut pas voir le printemps arabe comme un complot occidental. Cela, c’est ce que veulent croire, un peu partout, les ennemis de la démocratie et de l’Etat de droit vers lequel les populations arabe tendent à aller. 

D’autre part, il ne faut pas désespérer des populations arabo-musulmanes, qui suivent le chemin emprunté jadis par les Européens.

Un chemin étroit et semé d’embûches, mais ce n’est pas en regardant les pays arabes avec méfiance, mépris ou panique que nous faciliterons leur évolution naturelle vers des sociétés plus libres.

Ce que les pays occidentaux ont de mieux à faire pour aider à la transition dans les pays arabes, c’est de se comporter, eux-mêmes, en états de droit et en démocraties exemplaires.