Que mes lecteurs me pardonnent par avance : je sais qu'en ces temps d'actualité lourde, la soif d'informations et de points de vue, et si possible d'analyses originales, est importante, mais un article "de fond" comme celui d'hier me prend beaucoup de temps. Aujourd'hui, donc, je me contenterai d'un bref billet d'humeur politique. Pour mes lecteurs qui voudront du fond, je conseille très fortement le gros article érudit publié hier par mon ami Michel Leter, qui complète à merveille mon billet d'hier ; Michel et moi débattons fréquemment sur le sujet du caractère déterminant ou non, et à quel degré, des interventions occidentales dans le processus de développement du mouvement djihadiste, mais son point de vue est toujours très étayé et enrichissant pour la réflexion.
Pour ceux qui recherchent une analyse brève mais complète de ce qu'il peut y avoir d'ambivalent dans les mesures annoncées par le gouvernement, ou comment des mesures défendables, dans ce contexte, auront sans doute un usage politique bien plus large et serviront à balayer sous le tapis la poussière de nombreux problème, je conseille la bonne synthèse de Nathalie MP, publiée aujourd'hui.
Quant à moi je vais surtout, aujourd'hui, exprimer mon profond agacement.
J'ai longtemps pensé que le peuple français avait les dirigeants qu'il méritait mais, depuis le début de l'année, force m'a été de constater qu'il n'en est rien, et que le peuple français, profondément, véritablement, et collectivement, est infiniment plus estimable que la clique qui le gouverne.
Ainsi avais-je déjà observé, après les terribles attentats de Charlie Hebdo, combien l'attitude des politiciens de ce pays avait été en-dessous de tout, et comment, loin d'honorer l'unité nationale, les volontés de récupérations (à cette époque, venant principalement du gouvernement, mais pas que) avaient réussi à introduire des divisions dans un mouvement populaire spontané d'une grande dignité, qui avait vu se rassembler par centaines et milliers des individus, des familles, des groupes d'amis dans le recueillement et le soutien aux victimes.
Cette fois-ci, c'est l'opposition qui s'est particulièrement illustrée dans le minable, en huant, lors de la séance de l'Assemblée Nationale de mardi, Manuel Valls et Christiane Taubira. Je n'ai aucune sympathie pour ces deux personnages, et loin de moi l'idée de contester à nos représentants la capacité de discuter et débattre les propositions de mesures de l'exécutif, plutôt que de les adopter les yeux fermer, mais cette façon de faire est particulièrement indigne, alors que le pays est encore en plein deuil national. Plus encore, ces huées n'avaient pas pour but de dénoncer des mesures excessives, liberticides, ou que sais-je, mais simplement de tirer la couverture à soi avec des remarques du genre "on vous l'avait bien dit", etc., discours parfaitement stérile et dont on devine qu'il a pour but non une honorable volonté politique d'éviter qu'une situation exceptionnelle ne déséquilibre les institutions du pays, mais constituant une petite tentative politicienne de limiter l'inévitable effet d'aubaine électorale dont devrait bénéficier la majorité parlementaire lors des prochaines échéances régionales.
Bref, cette nouvelle observation confirme la première et l'idée que non, les Français ne méritent pas cela. Ils l'ont prouvé, en ayant, par deux fois en un an, une attitude ô combien plus digne et courageuse que ceux qui sont censés les représenter.