Depuis deux jours, je vois beaucoup de messages qui passent pour dénoncer l'indignation "sélective" des occidentaux, le fait que nos voisins européens et américains s'émeuvent de ce qu'il s'est passé à Paris alors que, partout dans le monde, des tas de guerres produisent chaque jour autant ou plus de morts que ces sinistres événements.

Personnellement, je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à être plus affecté par l'agression d'un cousin que par le massacre d'un village inconnu. C'est comme ça, c'est humain, et c'est certainement plus humain que ce prétendu recul rationnel qui ne s'intéresse qu'aux chiffres et estime que l'émotion devrait être strictement proportionnée aux chiffres.

Nombreux, donc, se drapent dans leur rationalité, et éprouvent sans doute une grande autosatisfaction à s'estimer tellement au-dessus de ces gens méprisables qui s'émeuvent du sort de leurs voisins quand, eux, s'émeuvent du sort du monde entier. Dans une telle attitude, je vois surtout un inquiétant dédain pour, justement, ce lien émotionnel qui fait de nous des êtres humains. Les gens qui prétendent se hisser au-dessus de ce sentiment adoptent le même comportement que tous ceux qui prétendent améliorer la société en calculant le bonheur total, et finissent par mépriser le bonheur individuel, et le simple droit individuel, au nom d'un bonheur collectif statistique. C'est de la sociopathie et je ne vais pas m'excuser de ne pas en être affecté.

Alors oui, les attentats de Paris m'affectent plus que l'explosion d'un hôpital au Yémen. Et sans doute que l'explosion de cet hôpital au Yémen affecte plus les Yéménites que les attentats de Paris. Et c'est normal. Vous prouverez votre humanité en reconnaissant aux Français et aux Yéménites leur droit respectif à se soucier plus de leurs morts que de ceux des autres, pas en leur expliquant que tous les morts se valent et qu'ils devraient avoir honte de prêter aux leurs une attention particulière.