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Historionomie - Le Blog de Philippe Fabry
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26 juillet 2015

Lecture : "Comme je parle" d'Aldo Sterone

Je viens de terminer le livre d’Aldo Sterone, Comme je parle, et ce livre m’a donné envie, une fois n’est pas coutume, de faire une brève recension, parce que je pense qu’il mérite d’être lu.

 

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Je l’ai commandé sur Amazon aussitôt que l’ami Aldo a fait l’annonce de sa sortie sur Facebook. Ecoutant régulièrement ses vidéos sur Youtube, j’apprécie sa façon de penser, même si je ne suis pas toujours d’accord avec ses conclusions.

Dans ce livre, il retrace son parcours dans l’Algérie des années 1980 et 1990, qui ont vu son enfance et son adolescence, et son long combat pour fuir un pays en pleine déliquescence, en proie à des maux qui, bien souvent, ont été importés chez nous.

Ce livre, dit-il, a commencé comme un email écrit à l’adresse d’un interlocuteur curieux de son parcours. On y retrouve le style du youtubeur, qui ne souffre pas du changement de format ; au contraire, mais peut-être est-ce parce que je suis plus un homme de livre que de vidéo, je l’y ai trouvé très bon.

Certes, il faudra au lecteur faire fi de petits défauts : il y a de nombreuses coquilles, fautes d’orthographes (ex : pour la prison : tôle au lieu de taule), la concordance des temps laisse fréquemment à désirer, et il manque des mots dans certaines phrase (ou ils sont en double).  Tout cela est le résultat d’une insuffisante relecture de l’ouvrage, mais est finalement cohérent avec l’esprit « comme un email » qui l’anime : un récit à brûle-pourpoint, qui a probablement été rédigé du premier jet ou presque, et trop rapidement relu. Cela n’enlève rien au fait que le style est très bon.

Le seul passage où je n’ai pas été d’accord avec l’analyse d’Aldo Sterone est lorsqu’il dit, page 155 « l’islamisme est un ultralibéralisme extrême » parce que le Front Islamique du Salut était s’était violemment opposé à la grève ouvrière, appelant les ouvriers à rester à leurs postes et à travailler gratuitement si nécessaire. Il fait ainsi la confusion commune qui est, en plaçant le libéralisme à droite, le socialisme à gauche et le communisme à l’extrême gauche, postule que les positions d’extrême-droite sur la collaboration de classes par opposition à la lutte des classes est « ultra-libérale ». Or le thème de la collaboration de classes n’est pas du libéralisme, ni même du libéralisme poussé à l’extrême : c’est du fascisme. Et le fait-même d’associer le libéralisme à la droite est une erreur, comme j’ai eu l’occasion de l’expliquer.

Reste que l’ami Aldo est un type intelligent, qui décrit par ailleurs, de manière très vivante, ce qu’est une société gangrenée par le corporatisme et le copinage. Je ne doute pas qu’il saisira l’absurdité de ce concept d’ultralibéralisme. On est tous passés par là.

Ces légers défauts passés, je dois dire que le livre est passionnant et m’a irrésistiblement fait penser à Histoire d’un Allemand, de Sebastian Haffner, qui dans le même style autobiographique donnait à découvrir, de l’intérieur, les trois décennies précédent l’arrivée du nazisme en Allemagne et permettant, sinon de comprendre ce phénomène dépassant toujours quelque peu l’entendement, du moins de mieux l’appréhender intuitivement. Quand on sait en quelle estime je tiens ce livre d’Haffner, ce n’est pas un mince compliment. Par ailleurs, régulièrement, Aldo nous régale de ces petites digressions dont il a le secret, et qui font aussi le sel de ses vidéos.

Je recommande donc chaudement la lecture du livre d’Aldo Sterone, qui donne à voir la soudaine montée de l’islamisme dans un pays comme l’Algérie, qui fut durement touchée par le fléau durant la décennie noire des années 1990, et dont l’auteur dresse un tableau qui rappelle les images actuelles de l’Etat islamique.

A ce sujet, je terminerai sur un exemple à ajouter à la liste des parallèles que l’on peut dresser entre l’islam moderne et le judaïsme antique, que je dressais ici même il y a quelques jours : page 148, Aldo Sterone écrit : « Le problème avec la société arabo-musulmane est [qu’elle est] totalement hermétique au changement. Les esprits créatifs sont dénigrés, agressés, exilés ou tués. »

Cette phrase m’a aussitôt fait penser à un paragraphe de Flavius Josèphe (Contre Appion, II, XX) « C'est l'origine du grief qu'on nous fait aussi, de n'avoir point produit d'inventeurs dans les arts ni dans la pensée. En effet, les autres peuples trouvent honorable de n'être fidèles à aucune des coutumes de leurs pères; ils décernent à ceux qui les transgressent avec le plus d'audace un certificat de profonde sagesse. Nous, au contraire, nous pensons que la seule sagesse et la seule vertu est de ne commettre absolument aucune action, de n'avoir aucune pensée contraire aux lois instituées à l'origine ».

Le livre d’Aldo Sterone est disponible sur Amazon en format papier ou en format kindle.

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Commentaires
M
Résonance avec les propos d’Aldo Sterone, auxquels je souscris totalement, d’une personne née au Maroc en 1939.<br /> <br /> <br /> <br /> Quand il m’arrive de discuter avec des personnes qui disposent d’une faible connaissance historique ou médiatique de la débâcle coloniale française je remarque, sans défendre le colonialisme dont je déplore le résultat, qu’ils portent alors un autre regard sur mon expérience passée et surtout sur les futures turpitudes que devra subir notre société pour satisfaire à la Babylonisation de notre civilisation planétaire. Je ne comprends pas pourquoi la mondialisation, enjeux du moment, doit obtenir un meilleur résultat que le colonialisme passé. De bonnes intentions, comme les diffusaient en son temps les contemporains de Jules Ferry, peuvent ressusciter mais le résultat me semble aussi improbable aujourd’hui qu’autrefois.<br /> <br /> <br /> <br /> Pourquoi les Marocains triomphèrent en expulsant les Français au lieu de souscrire à une assimilation qu’ils ne souhaitaient pas ?<br /> <br /> Pourquoi les Français doivent-ils nécessairement faire place à de nouveaux habitants venus d’ailleurs avec une façon de vivre différentes de la leur ?<br /> <br /> Pourquoi croire que ces nouveaux arrivants vont se fondre, s’assimiler avec une population de souche ? C’est un pari pour le moins osé et orgueilleux sur l’avenir et dans une période économique difficile contrairement à ce qui se passa lors de la débâcle d’Afrique du Nord.<br /> <br /> Notre pays sortira-t-il enrichi de cette expérience quel qu’en soit le résultat ?<br /> <br /> <br /> <br /> Je me souviens de ma formation militaire. On apprend à l’école de guerre que sur le terrain avant d’engager une action quelconque, le colonel en charge de son régiment se met à part avec quelques officiers pour construire l’attaque qu’il compte mener. Simultanément les autres officiers se regroupent avec son lieutenant-colonel pour envisager la même opération mais en se mettant à la place de l’ennemi que l’on se propose d’attaquer. Ces deux analyses menées à bien, nourrissent une confrontation entre les deux groupes d’officiers. L’opération envisagée par le colonel s’améliore alors par deux points de vue différents et sûrement complémentaires.<br /> <br /> <br /> <br /> Je ne vois rien de tout ça dans la présentation médiatique qui nous annonce cette réédition coloniale.<br /> <br /> <br /> <br /> Je reste ému par les nouveaux migrants qui se déplacent du Sud vers le Nord, en quête d’un eldorado certain vu les conditions qu’ils rencontrent dans des pays en guerre ou bien des pays dirigés par des tyrans dont les médias dressent à longueur de temps des tableaux forts peu élogieux.<br /> <br /> Mon émotion se cristallise à l’idée que chacun de ces migrants devra suivre le chemin de croix des anciens coloniaux en sollicitant fortement leur résilience indispensable et dont je les félicite de disposer.<br /> <br /> <br /> <br /> Je leur dis bien volontiers : « quand on a à faire avec des pervers et a fortiori avec un pays pervers il faut s’en écarter et le craindre, mais quid de votre pays que vous abandonnez ? » Il est de bon ton de dire que les migrants sont souvent des ingénieurs, des avocats, des médecins, et de ce fait constituent une main-d’œuvre utile, une véritable aubaine pour leur pays d’accueil. Mais leur absence va manquer cruellement à leur pays de départ.<br /> <br /> <br /> <br /> Malgré ma bonne adaptation en France, des cicatrices coloniales me font encore souffrir et je souhaite en témoigner. Où aller après un tel vécu ?<br /> <br /> <br /> <br /> Mes proches me disent en riant : « on n’en a rien à faire de ton histoire, tu vis en France ! » Seul mon petit-fils, encore naïf par sa jeunesse mais très mature par son absence de prêt à penser, s’interroge. Leur résilience me semble bonne, ma famille se centre sur la France et mon épisode exotique constitue un simple plus :<br /> <br /> « Papy n’a pas fait de résistance il est seulement né au Maroc en 1939 ».
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R
L'autre réflexion qu'inspire cette remarque de Flavius Josèphe, c'est que l'antisémitisme a reproché, au fil de l'histoire, des choses parfaitement contradictoires aux Juifs.<br /> <br /> <br /> <br /> Ultra-conservatisme hier, subversion et destruction des valeurs établies aujourd'hui. Mais aussi : pauvreté et refus d'exercer certains métiers jugés "normaux" hier (paysan, artisan, soldat...), richesse et accaparement des places aujourd'hui ("ils sont partout").<br /> <br /> <br /> <br /> Le fait de vivre dans une pauvreté extrême a longtemps été l'un des reproches traditionnels faits aux Juifs par les antisémites, même si aujourd'hui, avec la religion socialiste dans laquelle nous baignons, cela paraît difficilement imaginable d'accuser quelqu'un d'être pauvre ; pour nous, cela vaudrait plutôt une médaille.<br /> <br /> <br /> <br /> La conclusion est simple : soit les reproches sont justifiés, et alors les Juifs ont changé de comportement et de mode de vie du tout au tout au fil des siècles, par conséquent les vices que leur attribuent les antisémites ne sont pas constitutifs de l'identité ou de la race juives ; soit ils ne sont pas justifiés, parce qu'ils sont basés sur des imputations imaginaires ou largement exagérées. Dans les deux cas, l'antisémite a tort.<br /> <br /> <br /> <br /> En revanche, les reproches faits par les anti-musulmans aux musulmans (pour revenir à votre parallèle) ont toujours été les mêmes. C'est parce qu'ils sont justifiés, et correspondent effectivement à des traits de caractère et à un comportement prescrits ou induits par la religion islamique.<br /> <br /> <br /> <br /> D'autre part, il faut distinguer entre des imputations exactes portant sur des comportements effectivement répréhensibles, et des imputations exactes portant sur des comportements parfaitement légitimes.<br /> <br /> <br /> <br /> Par exemple, une fois qu'on essaie de réfléchir en mettant de côté les conséquences historiques répréhensibles de telle ou telle imputation antisémite (persécutions, massacres...), on est bien obligé de reconnaître qu'au fil de l'histoire et à travers les continents, les Juifs ont effectivement souvent pratiqué les métiers d'argent et y ont souvent réussi.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais réussir dans la banque, dans les affaires ou dans des métiers lucratifs (médecine, cinéma...) n'est pas un comportement répréhensible ! Que cela suscite des jalousies, des rivalités voire des conflits d'intérêt, c'est bien compréhensible. Mais c'est un autre problème.<br /> <br /> <br /> <br /> En revanche, réduire les autres peuples en esclavage, violer leurs femmes et plus généralement massacrer les non-musulmans est à la fois une imputation exacte concernant les musulmans et un mode de vie répréhensible.<br /> <br /> <br /> <br /> Voilà pourquoi je pense que le parallèle entre antisémitisme et anti-islamisme ne tient pas debout. Après, qu'on trouve des similitudes ponctuelles entre les deux, c'est toujours possible. Mais le risque d'une telle démarche est de suggérer que puisque l'anti-islamisme ressemblerait à l'antisémitisme, lequel par définition est supposé être le comble de l'abomination en raison de ses conséquences historiques, alors l'anti-islamisme n'est pas légitime et serait même abominable.
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R
Question créativité et résistance au changement, nous sommes, je suppose, d'accord que les Juifs se sont bien rattrapés depuis Flavius Josèphe.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est même l'un des thèmes favoris de l'antisémitisme, pas forcément dépourvu de fondement d'ailleurs : la propension juive à la subversion des sociétés non juives, la psychanalyse, le marxisme, l'Ecole de Francfort, etc.<br /> <br /> <br /> <br /> Avec le pendant positif de la destruction créative, dans les arts, l'entreprise, la science, le travail intellectuel, le débat public...
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  • Blog de Philippe Fabry, historien-théoricien. Ce blog reprend notamment ses travaux relatifs aux "lois de l'Histoire" et leur emploi pour mieux analyser le monde actuel. Tous les articles sont librement reproductibles, avec la mention www.historionomie.com
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Articles du blog complétant le livre :
La date de la prochaine guerre mondiale
La prochaine guerre mondiale : peu probable avant 2017, après, oui
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QUELQUES RECENSIONS DU LIVRE :

"Un grand livre" Charles Gave
"Un essai bref, dense, très bien écrit, d'une érudition remarquable" Guy Millière

"Un admirable petit essai historique et juridique" Emmanuel Garessus
"Un ouvrage probablement majeur" Johan Rivalland
"Essai lumineux" Francis Richard
"Voici enfin une réponse particulièrement convaincante" Thierry Guinhut
"Un parallèle impressionnant entre l'histoire de Rome et celle des Etats-Unis" Fboizard
"Une vraie leçon de l'Histoire" Vivien Hoch

ENTRETIENS AVEC L'AUTEUR

Entretien avec Damien THEILLIER sur 24h Gold (Partie 1)
Entretien avec Damien THEILLIER sur 24h Gold (Partie 2)
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