Lors de mon précédent billet concernant Marine Le Pen, ses liens russes et l’espoir poutinien de son élection prochaine, qui donnerait à la Russie un levier extrêmement puissant à même, du même coup, de faire sauter l’UE et de paralyser l’OTAN, j’ai reçu de nombreuses objections tournant principalement autour de deux idées : 1) il est très peu probable que Marine Le Pen soit élue et 2) quand bien même, elle n’aurait pas de majorité à l’assemblée, devrait accepter une cohabitation et serait donc, de toute façon, impuissante. Aucune raison de s’inquiéter, donc.

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« Marty, tu dois penser en quatre dimensions ! En 2017, la dynamique actuelle se sera prolongée et renforcée, augmentant d’autant les chances d’être élue de Marine Le Pen, ce qui pourrait provoquer la destruction totale de l’Univers ! Hypothèse la plus pessimiste, je te l’accorde. »

Mais si l’on veut anticiper un peu les choses, il ne suffit pas de faire une projection linéaire de la situation actuelle. Il faut prendre les choses de manière globale, noter la dynamique.

Et, sans être affirmatif sur le résultat de l’élection de 2017 et ses conséquences, il faut bien voir que les hypothèses noires ont un degré de probabilité important, à cause de différentes dynamiques : la dynamique politique interne, la dynamique économique mondiale, et les fortes potentialités terroristes actuelles.

La politique interne : le jeu dangereux de François Hollande

François Hollande veut se faire réélire. Pour cela il a un calcul : exaspérer une partie de la droite traditionnelle pour la jeter dans les bras de Marine Le Pen (Christiane Taubira est une arme redoutable à cette fin) afin d’obtenir un « 21 avril à l’envers ». Par ailleurs, utiliser l’électorat musulman/issu de l’immigration comme masse de manœuvre électorale permettant d’une part de passer le premier tour, d’autre part d’emporter la décision au second tour. La gauche socialiste française a en effet achevé sa mutation : originellement parti des ouvriers menés par quelques bourgeois au début du XXe siècle, elle est aujourd’hui un parti de nantis s’appuyant sur une double clientèle de fonctionnaires (et assimilés, comme les journalistes subventionnés) et de musulmans complètement dupés par les manoeuvres socialistes.

Le Parti Socialiste, qui a compris qu’il avait largement perdu l’électorat ouvrier, prend maintenant le pari de rejeter carrément cet électorat, de le pousser vers le FN : cela permet d’affaiblir le Front de Gauche et de renforcer l’hégémonie, à gauche, du Parti socialiste, tout en minant la droite. Calcul doublement gagnant… pour l’instant.

Les deux manoeuvres politiques de montée du FN et de transformation forcée des musulmans de France en clientèle politique se répondent puisque le tapis rouge déroulé de plus en plus ostensiblement à l’islam en France, associé à l’appel continu à « ne pas faire d’amalgame », à rejeter l’islamophobie, tendent à la fois à séduire les musulmans en se posant en protecteur de leurs intérêts, et à exaspérer le peuple qui vit les perpétuelles consignes anti-amalgame non comme une recommandation de bon sens, ce qu’elle pourrait être, mais comme une accusation perpétuelle, un soupçon méprisant des élites à son endroit.

Je ne peux pas croire que tout ce discours, qui s’est fortement développé depuis deux ans, soit un simple réflexe d’idiots politiques désemparés ; bien au contraire, cela est tellement systématique, et tellement à tout propos, qu’il paraît certain qu’on est en face d’une stratégie. Cette stratégie est celle de la confrontation : elle vise à désigner, pour un groupe dont on veut faire une clientèle électorale, un autre groupe comme ennemi. Lorsque les hommes du gouvernement s’empressent de déclamer « pas d’amalgame », « pas d’islamophobie », leur but n’est nullement de voir disparaître tout amalgame et toute islamophobie, mais de développer et systématiser amalgames et islamophobies, afin d’entretenir la dynamique d’un loup – le Front National, en l’occurrence – et de rameuter dans l’enclos électoral toutes les brebis. Le gouvernement, au premier rang duquel celui qui joue sa réélection, François Hollande, joue depuis depuis des mois la montée de l’antagonisme. Et en face, il a un partenaire qui a tout à gagner au même jeu, mais en sens inverse : le Front National, que cette manipulation conduit, pas à pas, élection après élection, à devenir hégémonique à droite.

Ce calcul est évidemment dangereux pour tout le monde, car il ouvre une fracture, qui autrement n’existerait pas, ou pas avec cette ampleur, et prend en otage la population française en montant une partie du peuple contre l’autre, ce qui est une manœuvre irresponsable et égoïste de dictateur.

L’autre clientèle, les fonctionnaires, ont reçu la promesse qu’ils seraient littéralement achetés, en bonne et due forme.

Economie internationale : risque chinois, risque américain

Les difficultés agitent depuis deux semaines la bourse chinoise, qui devraient empirer avec l’annonce des résultats économiques trimestriels le 15 juillet prochain, probablement décevants.

Les gens ne se rendent pas bien compte de ce qu'il se passe : on parle beaucoup de "correction", quoi qu'un peu brutale, des bourses chinoises après une envolée d'un an. Cette idée de "correction" induit l'idée fausse que la baisse va se stabiliser une fois des valeurs normales retrouvées. Parenthèse : lorsque l’on dit que la bourse a perdu 30% mais qu’elle avait gagné 150% en un an, cela ne signifie pas que les cours sont encore  120%  plus haut que ce qu’ils étaient il y a un an ; ils sont supérieurs de 70% à ce qu’ils étaient il y a un an, c’est-à-dire qu’ils ont perdu pratiquement 50% de la valeur gagnée depuis un an.


L'idée est fausse parce que cette envolée a été largement financée par l'emprunt : les dizaines de millions de petits porteurs chinois ont financé leurs investissements boursiers en contractant des prêts. Ce qui signifie que la plongée boursière, même si elle se stabilise, va laisser des millions, voire des dizaines de millions de boursicoteurs sur le carreau, traînant derrière eux des milliards, voire des dizaines de milliards d'emprunts qu'ils seront incapables de rembourser. La facture va être très salée pour l'économie chinoise. Nous assistons peut-être à l'équivalent chinois de la crise des subprimes, qui mettra quelques semaines à se manifester pleinement : le deuxième étage de la fusée s’allumera quand des millions d’emprunteurs seront simultanément incapables de rembourser leurs prêts. La cascade de faillites provoquées pourrait coûter 500 milliards de dollars à la Chine, soit le coût de la crise des subprimes pour les Etats-Unis en 2007.

L’essentiel des « victimes » de ce krach étant des particuliers chinois, les troubles sociaux et à l’intérieur du Parti Communiste Chinois (dont sont membres une bonne partie des boursicoteurs) sont à attendre ce qui, dans le climat de chappe de plomb politique instaurée par Xi Jinping, pourraient exploser avec d’autant plus de violence.

Par ailleurs, ces vives difficultés financières frapperont, par contagion, les autres grandes places boursières, notamment aux Etats-Unis où, jusqu’à présent, il n’y a véritablement eu de « reprise » qu’à la bourse. Une nouvelle crise financière montrerait combien de la roi de la « reprise économique » américaine est nue, et plongera dans la récession - ou la fera apparaître comme l’état réel de l’économie US.

La récession économique à venir aux USA, probablement en 2016 (comme déjà annoncé sur ce blog il y a deux mois) sera aggravée par cet effondrement chinois, et l’Amérique sera la courroie de transmission qui amplifiera les conséquences mondiales des difficultés chinoises. Cela ne sera certainement pas de nature à stabiliser la situation dans le monde musulman, dans lequel la crise de 2008 a déjà eu comme répercussion le « Printemps arabe » de 2011.

Dès lors, la montée des populismes, fortement visible en Europe depuis la crise de 2008, devrait connaître un nouveau coup d’accélérateur... est-il besoin d’en donner les implications dans le paysages politique français, et d’en désigner le premier bénéficiaire ?

Le risque terroriste

Les Français ne resteront pas perpétuellement Charlie. La « résilience communautaire » est entamée à chaque nouvel attentat, et le sera d’autant plus que le parti au pouvoir joue la tension comme un calcul électoral. Dans un pays où, il y a quelques mois, les centrales nucléaires étaient survolées par de mystérieux drones demeurés non_identifiés, et où aujourd’hui, en pleine alerte vigipirate, des stocks militaires d’explosifs sont pillés, la possibilité est forte qu’au moins un nouvel attentat d’ampleur ait lieu d’ici 2017.

L’hypothèse de l’élection

Et si Marine Le Pen est élue en 2017, vers quoi irons-nous ?

Nombreux se rassurent en invoquant la certitude que Marine Le Pen ne pourrait pas avoir de majorité.

J’ai déjà évoqué, par le passé, un élément important en sens inverse : la probable promptitude d’une partie de la droite française à s’allier à un Front National devenu hégémonique à droite, par conviction pour certains, qui défendent déjà des idées proches du FN tout en restant chez les Républicains parce que cela rend l’élection plus certaine, par intérêt pour les autres.

Mais, surtout, il faut se souvenir qu’au fond, si Marine Le Pen est prête à aller au bout des choses, alors l’absence de majorité pourrait n’être pas un problème pour elle : la Constitution de la Ve République lui offrira en son article 16 la possibilité, arbitrairement, sans avoir à obtenir l’autorisation de quiconque, de s’arroger les pleins pouvoirs. Comme ça, tranquillement : « Lorsque les institutions de la République, l'indépendance de la Nation, l'intégrité de son territoire ou l'exécution de ses engagements internationaux sont menacés d'une manière grave et immédiate et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances, après consultation officielle du Premier ministre, des Présidents des Assemblées ainsi que du Conseil constitutionnel ».  En s’appuyant sur sa légitimité démocratique, plus importante que celle de l’Assemblée nationale parce que personnelle, concentrée - tout le problème de la Cinquième - elle pourrait bien le faire. Elle n’aurait pas tout le pays derrière elle, mais les émeutes que provoqueraient à travers le pays cette catastrophe institutionnelle seraient un motif parfait pour prolonger cet état d’urgence... Avec le soutien de qui on sait.

 

POUTINELEPEN