A l'occasion des élections départementales, qui livrent des informations intéressantes, je livrerai la semaine prochaine quelques analyses sur l'évolution du clivage gauche-droite en France. Et puisque, pour bien comprendre ces analyses, il sera utile au lecteur de connaître mes précédents articles sur le sujet, j'ai décidé de consacrer cette semaine à la remise en ligne, sur ce blog, d'articles publiées les deux années passées sur Contrepoints, traitant du même sujet, et liés entre eux, afin que les lecteurs puissent se familiariser avec ma théorie du clivage.
Voici aujourd'hui le quatrième article :
J’ai déjà à plusieurs reprises eu l’occasion de dire, dans ces colonnes, que selon moi la véritable place du libéralisme sur l’échiquier politique en France, aujourd’hui, est l’extrême-gauche (ici, ici et là). Je ne reviendrai pas sur les observations montrant que l’extrême-gauche communiste (ou trotskiste, ou anarcho-collectiviste) est aujourd’hui moribonde, je pense avoir déjà suffisamment argumenté à ce sujet dans mes précédents articles (et je prierai les gens qui voudront réagir à cet article de s’assurer de les avoir lus avant).
Ce que je voudrais noter ici ce sont quelques éléments qui vont dans le sens de cette évolution.
Tout d’abord, une nouvelle étude du CREDOC semble montrer, une nouvelle fois, que les idées libérales pénètrent de plus en plus le peuple français. Mais, surtout, elle indique : « Fait notable, ce désenchantement est particulièrement marqué chez les personnes les plus fragiles qui pourraient pourtant bénéficier des filets de protection dans cette période de crise : les non-diplômés (-9 points par rapport à 2011), les bas revenus (-7), les personnes au foyer (–7), les personnes souffrant de handicap (-8) », c’est-à-dire des catégories populaires et généralement les plus enclines à réclamer des aides sociales. En particulier, les non-diplômés et les bas revenus, qui constituaient jadis les gros bataillons de l’extrême-gauche (spécialement communiste, le trotskisme ayant toujours été une sorte d’élitisme communiste). Je rappelle que de précédentes études du CREDOC avaient montré que les idées libérales séduisaient de plus en plus chez les jeunes, autre réservoir traditionnel de la gauche radicale.
Ensuite, et alors qu’à la lecture de ces statistiques je réfléchissais à la rédaction d’un article pour ces colonnes, tentant de jeter les bases d’un discours libéral apte à séduire un électorat de sensibilité d’extrême-gauche, révolutionnaire, hostile aux gros, aux installés, à l’ordre établi en général, je fus frappé de trouver le ton et l’esprit de cet argumentaire à construire sous la plume de Charles Gave, dans son dernier article sur le site de l’Institut des Libertés où il dit, et je le cite :
« Le système bancaire a capturé l’État et sert des rentes fort conséquentes à ses dirigeants, qui tous viennent des plus hautes sphères du même État, au point qu’en France on ne sait plus très bien ou commence l’État et où finit la Banque, ce qui facilite la conservation de la rente. Le haut personnel de ces banques s’attache ensuite à traire la nation à son profit exclusif et l’excuse donnée est toujours que c’est ce qu’exigent les nécessités de la « concurrence internationale », ce qui est un gros, un très gros mensonge. En fait, ce qu’exigerait le Libéralisme serait que l’on casse les grandes banques qui sont devenues beaucoup trop grosses en entités plus petites, que l’on sépare les banques d’affaires et les banques de dépôts, que l’on interdise aux banques d’affaires de faire appel à l’épargne publique et que les banques de dépôts se voient interdire d’acheter des obligations émises par le gouvernement. Car bien sûr, c’est par l‘achat des obligations publiques qui permettent le financement des déficits budgétaires par les dépôts que la classe dirigeante des banques maintient son contrôle sur le monde politique. Le deal est simple : je continue à financer votre politique imbécile, qui préservera votre rente à vous, hommes politiques, à condition bien sûr que vous préserviez et développiez ma rente à moi…
Les politiques / fonctionnaires quant à eux ont bâti un système où des rentes sont servies à ceux qui savent exploiter au mieux le système (voir mon article sur le chauffeur de monsieur Ayrault par exemple) et entendent bien que rien ne change. Et comme les fonctionnaires gèrent l’État et son système politique, leur intérêt bien compris est d’empêcher toute réforme, ce qui dans le fond n’a comme but ultime que la préservation de leurs rentes à eux.
Une excroissance de cette classe politique s’est même constituée en groupe autonome à Bruxelles, pour expliquer aux citoyens que le maintien des rentes bancaires, financières, éducatrices ou syndicales était la plus grande conquête sociale de la social-démocratie européenne. Elle explique donc aux populations ébahies que toute attaque contre les rentes est une attaque contre l’Europe des Pères fondateurs et que l’étape suivante d’une telle dérive serait le retour de la guerre entre la France et l’Allemagne. Si vous êtes contre les rentes, c’est que vous êtes contre la paix et pour la guerre. La défense des rentes comme facteur déterminant de la paix, voila une idée neuve en Europe.
Les syndicats, organisés en monopole depuis 1945 et qui ne représentent qu’environ 5% des salariés Français et ont un financement complètement opaque, ont pris le contrôle d’un certain nombre de secteurs tous nationalisés (énergie, transports, éducation, santé) dont le blocage suffit à mettre l’économie Française par terre à chaque fois. Que le lecteur songe à la SNCM, à Air France, à l’Éducation nationale ou à la Sécurité sociale où toute tentative de déréglementer les rentes est immédiatement assimilée à une attaque de l’hyper-libéralisme contre la classe des « travailleurs». Dans le monde des rentiers, le client n’existe pas et est remplacé par l’usager dont le rôle principal est d’être pris en otage dès que leur rente est menacée, c’est-à-dire dès que la notion de concurrence fait son apparition. »
Voilà un discours anti-banques, anti-Bruxelles, anti-élites décoiffant et radicalement libéral.
Il me semble fortement que, avec quelques ajustements ici ou là, on aurait un argumentaire propre à ringardiser Gérard Filoche, Jean-Luc Mélenchon et Pierre Laurent pour ce qui est de la dénonciation du « système » en les montrant pour ce qu’ils sont en réalité : des conservateurs du socialisme, soit des gens… de droite. De la même manière que Gennadi Ianaïev, auteur du putsch contre Gorbatchev visant à sauvegarder le vieux régime soviétique, n’était pas d’extrême-gauche parce que communiste, mais avait tout de l’ultra conservateur d’extrême-droite.
Un discours de cette eau est propre à séduire les populations de forte sensibilité de gauche : on y tape sur les mêmes que ceux contre lesquels s’orientent leurs préjugés, mais avec les arguments justes et sans jeter le bébé libéral-capitaliste avec l’eau du bain de la connivence comme le font tous leurs orateurs actuels. Voilà le public auquel nous, libéraux, devons nous adresser en priorité. Je sais que ce calcul rebute nombre de libéraux qui, culturellement, viennent plutôt de la droite (c’est mon cas) et pour lesquels l’extrême-gauche, c’est le démon, le communiste au couteau entre les dents. Mais ce n’est en réalité pas le cas, et comme je l’ai indiqué dans mes précédents travaux, il s’agit là d’une illusion d’optique, d’une confusion entre l’idéologie soutenue par les gens d’extrême-gauche depuis un siècle, et la sensibilité révolutionnaire de ce côté de l’échiquier politique.
Mettre les libéraux à l'extrême gauche de l'échiquier politique? Pourquoi pas; c'était bien à l'extrême gauche que Frédéric Bastiat siégeait.
Pour Charles Gave si dans les grandes lignes il a raison il y a deux points auquel j'adhère pas en tant que libéral.
Le premier point ce n'est pas à l'état de dire comment une banque privée doit gérer ses affaires. Obliger une banque à se séparer en banque d'affaire et en banques de dépôts et premièrement une atteinte au droit à la propriété privée d'une entreprise et c'est encore une manière de déresponsabiliser les banques sous couvert d'une loi étatiste.
Le deuxième point c'est quand il dit que le système bancaire à capturé l'état. Cela sous entend que c'est de la faute des banques si l'état couvent le système bancaire; alors qu'en amont c'est plutôt l'état qui a capturé le système bancaire. C'est l'état qui a le pouvoir de dire oui ou non si il veut intervenir financièrement dans le système bancaire.
Le libéralisme c'est pas de séparer les banques en deux entités mais de séparer très clairement l'économie privée de l'état de A à Z.
D.J