Revue de presse II : Pourquoi il faut casser Poutine
La xénophobie d’Etat de la Russie poutinienne
Quelques éléments encore pour bien cerner l’attitude, le rôle et les manoeuvres de Poutine en Europe.
Tout d’abord, pour ceux qui l’ignorent et qui croient que Poutine et la Russie sont les victimes des méchants euro-américains, se souvenir que les chaînes d’information étrangères sont, en Russie, indirectement interdites de diffusion pour des raisons de législation sur leur capital, qui ne doit pas être étranger au-dessus de 20%.
. Et oui, pour émettre par cable en Russie, le capital d’un média doit être à 80% russe, et donc facilement contrôlable par le pouvoir.
Ceci est à mettre en lien avec le « fichage » de certaines associations de mères de soldats, traditionnellement respectées en Russie, comme « agents de l’étranger ».
Ce sont là deux exemples flagrants, qu’en cherchant un peu on pourrait multiplier, de la mise en oeuvre d’une authentique xénophobie (au sens littéral du mot) d’Etat dans la Russie poutinienne.
Encore une fois, de quel côté se trouvent principalement la censure et la manipulation ?
Les amis européens de Poutine
J’ai déjà évoqué l’autre jour le fait que Nicolas Sarkozy reprenait l’argumentaire de Poutine. A ce sujet, est paru sur Slate un excellent article de Daniel Vernet dont je recommande la lecture, et qui en particulier démonte quelques arguments et parallèles employés par les amis du Kremlin pour soutenir les manoeuvres poutiniennes : « Nicolas Sarkozy passe sous silence le fait que le référendum a été organisé sous le contrôle de l’armée russe, ce qui explique le score de 95% en faveur de l’annexion. Toutes les consultations précédentes tenues dans des conditions normales depuis l’indépendance de l’Ukraine en 1991 avaient soutenu l’appartenance de la Crimée à ce pays. » Il faut en effet se souvenir qu’un sondage de 2012 avait donné le résultat suivant : 38% des habitants de Crimée étaient pour rejoindre la Russie, 40% pour l'autonomie et 10% pour l'indépendance
« Comme Vladimir Poutine, Nicolas Sarkozy évoque le précédent du Kosovo pour justifier la violation par la Russie du droit international. C’est oublier que le cas du Kosovo n’a rien à voir avec ce qui s’est passé en Crimée. L’indépendance du Kosovo a été reconnue en 2008 par une grande partie de la communauté internationale, dont la France sous la présidence Sarkozy, après des décennies de lutte, pacifique puis armée, de la population de cette région contrôlée par la Serbie. Après l’intervention de l’Otan contre la Serbie de Milosevic, qui avait supprimé en 1989 l’autonomie du Kosovo et de la population à majorité d’origine albanaise, il a fallu près de près de dix ans de négociations internationales, auxquelles la Russie a été partie prenante, avant que l’indépendance apparaisse comme la seule solution. Rien avoir avec le «hold-up» perpétré par les Russes en Crimée. Certes, les autorités provisoires de Kiev, avant l’élection du président Petro Porochenko, ont commis l’erreur d’envisager la suppression du statut du russe comme une des langues officielles de l’Ukraine. Cette intention provocatrice n’a pas duré plus de 24 heures. Le président par intérim, Oleksandr Tourtchinov, a refusé de signer le décret. Cette maladresse mise à part, les russophones –cette qualification générale recouvre des situations très différentes: citoyens d’origine russe ou à la double nationalité, Ukrainiens parlant russe ou bilingues, etc.–, n’ont jamais été menacés depuis la révolution de Maïdan. D’ailleurs, les séparatistes prorusses n’ont pas réussi à se rallier la population de l’est de l’Ukraine qui, aux élections présidentielles et législatives de 2014, a voté de la même manière que les Ukrainiens de l’ouest. »
Outre cette amitié bien fidèle de Nicolas Sarkozy, on note aussi celle de François Fillon, participant actif du Club Valdaï.
Hors de France, et outre Syriza dont on a déjà parlé, je n’ai pas trouvé d’information sur un lien entre Podemos et la Russie. En revanche, il est attesté que la Ligue de Nord, en Italie, qui s’est reconvertie dans l’europhobie et le populisme style Marine Le Pen pour remonter de 3% à 13-14 % d’intentions de vote Son chef, Matteo Salvini, a même soutenu l’annexion de la Crimée.
Comment vaincre Poutine
Un autre article, paru sur Slate, m’a semblé fort intéressant en ce qu’il présente le mode le plus humaniste de victoire contre Poutine, qui serait de sortir l’ouest de l’Ukraine du chaos et de permettre sa prospérité,ce qui discréditerait les mauvaises politiques de Poutine qui n’ont pas permis à la Russie de décoller économiquement.
Cependant, ce scénario idéal néglige l’instabilité d’une partie de l’Europe dont le basculement dans le poutinisme serait la cause de très importants désordres, voire un facteur de guerre. J’ai déjà expliqué que l’essentiel des manoeuvres de Poutine en Europe visent à instiller la division et la méfiance entre les pays européens, et à faire éclater l’Union afin d’utiliser les antagonismes créés à son avantage ; ce qui fait de Vladimir Poutine un authentique et machiavélique fauteur de guerre en Europe. Fort de l’expérience de l’échec de l’URSS, bloc effrayant n’ayant réussi qu’à souder les peuples européens entre eux, Poutine a compris qu’il fallait d’abord les diviser, les monter les uns contre les autres, afin de pouvoir ensuite les asservir - ce qui fut le résultat des grandes divisions que furent les deux guerres mondiales du siècle dernier. C’est une stratégie très intelligente. Mais aussi très ambiguë, ce qui facilite son camouflage et empêche un grand nombre de gens de discerner le but final et les pousse à croire que Poutine veut « seulement » régner sur le monde russe. Point du tout.
Et c’est là l’erreur finale de cet article, qui prétend balayer d’un revers de la main le parallèle avec Hitler ; il affirme : « L’armée russe n’est pas la Wehrmacht. L’économie russe est en plein marasme; en comparaison, l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale était tellement résiliente qu’en 1943 encore, ses usines continuaient de fabriquer de la dentelle et d’autres produits de luxe.»
Il y a là une erreur d’analyse sur l’économie allemande de l’époque : elle ne se portait pas bien, loin de là. Dans les années 1930, le banquier Hjalmar Schacht était considéré comme le magicien du Reich, qui avait permis à Hitler de redresser spectaculairement l’Allemagne. Pourtant, il a fallu à l’Allemagne se lancer dans la prédation de toute l’Europe pour payer la facture économique d’un redressement qui était en réalité bien plus frauduleux que miraculeux. Et si l’économie allemande s’est si bien portée durant une partie de la guerre, c’est qu’elle se nourrissait grassement du pillage de la France.
Et Poutine, à terme, espère bien faire de l’Europe entière son butin.