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Historionomie - Le Blog de Philippe Fabry
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22 octobre 2014

L'éthologie des fourmis et le système des prix

J'ai appris, au cours d'un débat très enrichissant avec une lectrice enthousiaste et néanmoins critique de mon livre, l'existence d'une expérience menée sur une colonie de fourmis par deux éthologistes belges, Jean-Louis Deneubourg et Claire Detrain. Cette expérience avait montré que les fourmis avaient une manière bien peu efficace d'exploiter les ressources.

En effet, en plaçant de réserves de nourriture semblables à la même distance d'une colonie, assez rapidement une des deux sources était abandonnée et seule l'autre exploitée, et cela quoi que son exploitation fût de moins en moins rentable, jusqu'à son tarissement complet. Ce n'est qu'alors que les fourmis pouvaient se retourner vers la première, si entretemps elles n'en avaient point perdu le chemin.

Les lecteurs qui s'intéressent un peu à la vie des bêtes savent sans doute que si les fourmis se déplacent souvent en file indienne et paraissent égarées lorsqu'elles sortent du rang, c'est parce qu'elles laissent derrière elles une trace de phéromones qui marque le chemin. Plus le chemin est fréquenté, plus la trace est puissante et plus les fourmis sont enclines à la suivre.

C'est ce qui se passait dans le cas des deux sources de nourriture : la répartition aléatoire des fourmis sur les deux chemins n'étant pas parfaitement égale, rapidement l'un des deux chemins est plus attirant et, par un processus cumulatif, devient le seul fréquenté tandis que l'autre est abandonné, et la trace s'efface. Pour recréer ce chemin, les fourmis devront prospecter, retrouver l'endroit et entamer une fréquentation assidûe du chemin pour le marquer correctement, c'est-à-dire reproduire un travail déjà fait une première fois, mais non exploité et perdu.

Pour mon interlocutrice, ce cas de la fourmilière montrait que sans une direction centrale, supérieure, la masse des individus ne prenait pas nécessairement les décisions les plus efficaces et pouvaient être conduits à une mauvaise exploitation des ressources que leur aurait évité une autorité centrale. Il me semble bien au contraire que la fourmilière est l'excellente représentation d'un système socialiste. Non parce qu'il y aurait une direction centrale, une distribution fixe des rôles de guerrier et d'ouvrier qui fait songer aux choix qu'une Administration prendrait pour placer des individus déshumanisés ici ou là comme des pions. Non, la fourmilière et ses erreurs de gestions représente un régime socialiste pour une raison beaucoup plus profonde : elle ne connaît pas le système des prix.

Dans un régime socialiste les choses n'ont pas de prix, elles n'ont que des tarifs, fixés par une autorité centrale suivant des calculs savants qui ne peuvent en aucune façon remplacer efficacement la loi de l'offre et de la demande et son expression par l'apparition de prix librement débattus. Dans une fourmilière, il n'y a pas de système de prix, c'est trivial. Dans les deux cas, il y a une mauvaise exploitation des ressources et des pénuries.

Si les fourmis avaient un système des prix, le prix des denrées de la pile A augmenterait en flèche parce que toutes les fourmis y vont. Au contraire le prix des denrées de la pile B s’effondrerait. Que se passerait-il ? Un journaliste économique fourmi ferait remarquer cela, et les investisseurs fourmis se précipiteraient pour acheter du B. Logiquement, l’exploitation des deux s’équilibrerait, au lieu de se déséquilibrer, et les consommateurs fourmis auraient leurs denrées au prix d’équilibre.

Inversement, si vous prenez une économie humaine sans système des prix, ou dans laquelle le système des prix peut être limité par l’interdiction d’une activité (ce qui revient au même) vous retombez sur le travers de la fourmilière. Imaginons en France un marché, disons l’énergie. Sur ce marché, imaginons un acteur A, bien implanté, qui fournit de l’énergie nucléaire. Un acteur B trouve un autre moyen de fournir de l’énergie, du gaz. A, bien implanté, a des relais puissants dans la classe politique et les médias (subventionnés par l’Etat). Il utilise ce pouvoir politique indirect pour interdire la toute nouvelle méthode d’extraction de gaz inventée par B. Normalement cette méthode permettrait d’être plus rentable que A dans ses prix actuels, cela est observé à l’étranger, mais sur le territoire français l’interdiction légale de la pratiquer s’apparente à jeter un voile sur le système des prix, à supprimer ses effets naturels qui seraient la réorientation d’une partie des investisseurs et de la clientèle vers B. Résultat : on continuera à n’exploiter que A, pas B, même si les consommateurs et l’industrie française en patissent. Tout ça parce que plus de phéromones (influence politique) se sont accumulées autour de A, plus ancienne, que de B.  

Je trouvais intéressant d'apprendre qu'au fond, l'expérience de deux éthologistes belges prouvait qu'une fourmilière n'est pas économiquement plus efficace que n'importe quel système socialiste.

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Commentaires
R
Pour ma part, je trouve que la fourmilière est plus proche du libéralisme que du socialisme: il n'y a personne qui commande, pas de police, pas d'administration. Chaque individu n'obéit qu'à sa propre nature, ne fait que ce que qui est en accord avec son ontologie, sa nature naturée.<br /> <br /> <br /> <br /> Cette comparaison ne vous convient pas? Vous avez raison, elle est stupide. Elle est stupide parce que nous comparons deux choses qui ne sont pas comparables. Et comme elles ne sont pas comparables, ont peut leur faire dire ce que l'on veut. Avec quelque effort, je pourrais montrer que la fourmilière est un modèle de fascisme, puis d'anarchisme. Comparer des fourmis et des êtres humains revient à comparer la structure de l'univers avec celle des atomes: c'est tentant, ça peut même être utile de par le travail à fournir, mais ça ne peut aboutir à aucun résultat sérieux, comme l'a montré Niels Bohr.<br /> <br /> <br /> <br /> Pardonnez le ton quelque peu cynique de ce message, mais je suis las de ces comparaisons invraisemblables qui font honte à la dialectique. Pourtant Descartes était français... Mais Kant était allemand me direz-vous. Effectivement, c'est peut-être le nœud du problème.
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B
Comparaison intéressante comme toujours ! Mais le système des fourmis tel que vous le décrivez est bien plus proche d'une sorte d'anarcho-collectivisme que d'un socialisme centralisateur. En effet, les fourmis ne connaissent ni autorité centrale, ni propriété et n'ont par conséquent aucune mécanique de marché. Votre thèse reste néanmoins toujours valide.
Répondre
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  • Blog de Philippe Fabry, historien-théoricien. Ce blog reprend notamment ses travaux relatifs aux "lois de l'Histoire" et leur emploi pour mieux analyser le monde actuel. Tous les articles sont librement reproductibles, avec la mention www.historionomie.com
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